Haïti : une nation en panne de gouvernance et de leadership

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, Haïti traverse l’une des périodes les plus graves de son histoire politique contemporaine. Cet acte tragique, au-delà de la perte humaine qu’il représente, a provoqué un effondrement brutal de l’ordre institutionnel et mis à nu la fragilité structurelle de l’État haïtien.

L’absence d’autorité légitime, la multiplication de structures provisoires sans vision nationale claire ni calendrier crédible, ont plongé le pays dans une crise durable de gouvernance. Aucun pouvoir n’a su, depuis lors, rétablir l’ordre républicain, garantir la sécurité des citoyens ni redonner un cap politique à la nation. L’État s’est progressivement vidé de sa substance, laissant place à l’insécurité généralisée, à la fragmentation du pouvoir et à une défiance profonde de la population envers les institutions.

Cette situation révèle une faillite manifeste du leadership politique. Haïti souffre non seulement d’un déficit de gouvernance, mais aussi d’une absence criante de dirigeants capables d’incarner une autorité morale, un sens élevé de l’État et un projet collectif rassembleur. Les décisions publiques sont trop souvent dictées par l’urgence, les intérêts de groupes ou des pressions extérieures, au détriment de la souveraineté populaire et de l’intérêt général.

Le peuple haïtien en subit les conséquences chaque jour : violence endémique, paralysie des services publics, effondrement économique, aggravation de la pauvreté, exode forcé et désespoir d’une jeunesse abandonnée à elle-même. Cette crise est à la fois institutionnelle, politique et morale. Elle traduit une rupture profonde du pacte de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, ainsi qu’un affaiblissement du sens de la responsabilité historique des élites.

Face à ce constat alarmant, il est impératif de rompre avec la logique des solutions temporaires, des arrangements de circonstance et des schémas imposés sans ancrage populaire. Haïti a besoin d’un véritable sursaut national fondé sur la souveraineté, la responsabilité, la transparence et la participation citoyenne. Le pays a besoin d’un leadership légitime, issu de la volonté du peuple, capable de restaurer l’autorité de l’État, d’assurer la sécurité, de rendre la justice et de redonner une perspective d’avenir à la nation.

Dans le même temps, Haïti ne peut ni ne doit rester isolée face à l’ampleur de la crise. Le pays a besoin d’un accompagnement de la communauté internationale fondé sur la sincérité, la cohérence et le respect mutuel. Cet accompagnement doit s’inscrire dans une logique de partenariat honnête, sans hypocrisie ni agendas cachés, et orienté vers le rétablissement de la sécurité, le renforcement des institutions et la reconstruction de la confiance nationale.

Toute coopération internationale utile doit impérativement respecter la souveraineté du peuple haïtien, appuyer l’émergence d’un leadership légitime issu de la volonté populaire et contribuer au renforcement durable des capacités de l’État. Haïti n’a pas besoin de tutelle ; elle a besoin d’alliés responsables, engagés aux côtés du peuple haïtien dans une démarche transparente, équilibrée et respectueuse.

C’est à ces conditions seulement que l’accompagnement international pourra soutenir un véritable redressement national et permettre à Haïti de renouer avec la paix, la justice, la dignité et l’espoir.

Me Bedford Claude

Ancien Commissaire du Gouvernement

Coordonnateur national – PRENSSIP