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Haïti face à l’impasse des transitions politiques : l’analyse de Wilson Laleau

  • Writer: Edito 24
    Edito 24
  • 46 minutes ago
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Port-au-Prince, 15 octobre 2025 – Dans une réflexion profonde sur les causes structurelles de la crise haïtienne, l’économiste et ancien ministre Wilson Laleau propose une lecture critique des transitions politiques répétées qui minent le pays depuis plus de deux siècles. Dans son texte intitulé « Transitions politiques et changement de la Constitution : nous avons tout faux », il soutient que Haïti s’illusionne en croyant qu’un nouveau texte constitutionnel pourrait, à lui seul, résoudre ses problèmes. Pour Laleau, le véritable enjeu n’est pas d’écrire une nouvelle Constitution, mais d’instituer une méthode durable d’apprentissage politique et institutionnel.


Un cycle sans fin : la transition comme système

Selon Laleau, Haïti est piégée depuis son indépendance dans un cycle de transitions politiques sans issue. Chaque crise majeure débouche sur un projet constitutionnel de « refondation », mais les résultats sont toujours les mêmes : instabilité, méfiance, fragmentation.

S’appuyant sur une littérature académique riche (Fatton, Trouillot, Acemoglu, Evans, North & Weingast, Banque mondiale 2023), il identifie un cercle vicieux composé de quatre éléments :

  • faiblesse institutionnelle,

  • hypercentralisation du pouvoir,

  • capture oligarchique de l’État,

  • dépendance externe chronique.

Ces facteurs, selon lui, transforment la Constitution en simple instrument de conquête du pouvoir, au lieu d’être un cadre légitime et partagé d’organisation de la vie publique.


« Nous avons tout faux » : la fausse solution du texte magique

Laleau insiste : aucune Constitution haïtienne n’a échoué par son contenu, mais bien par l’absence de légitimité, de préparation et d’expérimentation.


Il critique la tendance à considérer chaque nouvelle Constitution comme une rupture salvatrice, alors que les mêmes logiques institutionnelles et sociales se reproduisent.

« Ce n’est pas une nouvelle Constitution qu’il faut rédiger, écrit-il, mais un processus constitutionnel qu’il faut instituer. »


Une proposition innovante : la transition comme laboratoire

Pour rompre ce cycle, Wilson Laleau propose de concevoir la transition non pas comme une période de survie politique, mais comme un laboratoire constitutionnel, limité dans le temps (cinq ans).


Cette phase expérimentale serait encadrée par une Constitution transitoire et organisée en trois étapes :

  1. Phase de stabilisation :

    • Un Président-custode, figure non polarisante et au-dessus de la mêlée, élu dans un processus apaisé.

    • Un gouvernement de coalition responsable et redevable.

  2. Phase d’expérimentation :


  3. Mise en place de gouverneurs départementaux et assemblées de maires, pour tester la décentralisation réelle.

  4. Création d’un comité de suivi chargé d’évaluer la performance institutionnelle.

  5. Phase de refondation :


  6. Organisation d’une conférence nationale constitutionnelle chargée d’élaborer, à partir des leçons de l’expérimentation, la Constitution définitive.


Refonder l’économie pour refonder l’État

Laleau lie intimement la réforme politique à une transformation économique profonde.


Il appelle à passer d’un État prédateur à un capitalisme coopératif, ancré dans les communes, les coopératives départementales et la diaspora.


Cette vision d’un capitalisme inclusif et solidaire vise à reconstruire la confiance, réduire les inégalités et redonner sens au bien public.


De la rupture à la méthode : un changement de culture politique

En conclusion, Wilson Laleau rejette la logique de la rupture au profit d’une méthode graduelle, fondée sur :

  • l’apprentissage collectif,

  • la participation citoyenne,

  • la coopération politique,

  • et l’évaluation continue.

Il plaide pour une pédagogie de la responsabilité :


un président qui inspire et élève la conscience publique,


des partis politiques capables de former des majorités stables avant les élections,


et un plan national à 30 ans, animé par des gouverneurs départementaux autonomes, mais en dialogue constant avec le pouvoir central et la population.

Sans cette mutation méthodologique, avertit Laleau, Haïti risque de rester prisonnière de son histoire; non pas comme une leçon, mais comme une répétition sans fin.


H.I.

 
 
 

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