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Première Révision Critique des Projets de la Ministre à la Condition Féminine


Le discours de Marie Françoise Suzan, nouvelle Ministre à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme, mérite une analyse critique approfondie. En effet, les projets dévoilés semblent ambitieux, mais soulèvent des questions fondamentales sur la portée et la faisabilité de ces propositions dans le contexte actuel.



L’une des critiques majeures concerne la proposition de rebaptiser le ministère en « Ministère à la Condition Féminine, aux Droits de la Femme et à la Famille ». Si la famille joue un rôle crucial dans la société, intégrer cette dimension dans le champ d’action du ministère de la Condition Féminine apparaît non seulement comme une redéfinition audacieuse mais aussi comme une erreur de stratégie. La mission de ce ministère devrait rester centrée sur les questions spécifiques relatives aux droits des femmes et à l’égalité de genre, plutôt que de se diluer dans un spectre aussi large que celui de la famille. En effet, cette réorientation pourrait réduire le ministère à un simple bureau des Affaires Sociales, une transformation qui semble contraire à la mission originelle du ministère.


De plus, l’actuel gouvernement est un gouvernement provisoire sans parlement ni président en place. Cela limite grandement sa capacité à légiférer et à apporter les changements structurels nécessaires à une telle transformation. La création d’un ministère englobant la famille et la condition féminine nécessiterait des modifications législatives substantielles, des réformes qui ne peuvent être réalisées dans le cadre d’un gouvernement de transition. Le manque de stabilité politique et de légitimité démocratique compromet sérieusement la mise en œuvre de ces réformes ambitieuses.


En outre, les arguments avancés par la ministre pour justifier l’inclusion de la famille dans son ministère méritent une réflexion critique. D’abord, la famille est déjà un domaine couvert par le Ministère des Affaires Sociales, qui dispose de structures spécialisées telles que l’Institut du Bien-Être Social. L’ajout de la dimension familiale au portefeuille du ministère de la Condition Féminine semble redondant et risquerait de créer des chevauchements inutiles et des conflits de compétence.


Les objectifs de prévention de la délinquance, de lutte contre la violence, et de promotion de la cohésion sociale sont louables, mais ils s’inscrivent dans des domaines déjà traités par d’autres institutions et ministères. Plutôt que d’élargir le champ d’action du ministère de la Condition Féminine, il serait plus pertinent d’optimiser les synergies entre les institutions existantes pour adresser ces enjeux complexes. Une réforme efficace nécessiterait des mesures coordonnées entre les différents ministères et institutions, ce qui semble difficile à réaliser dans le contexte actuel de transition politique.


Il est aussi pertinent de souligner que les projets ambitieux doivent être adaptés à la réalité politique et administrative. Le gouvernement provisoire a des mandats temporaires et limités, et ses capacités d'action doivent être en phase avec ces contraintes. Plutôt que de se lancer dans des réformes profondes et potentiellement conflictuelles, il serait plus judicieux de se concentrer sur des actions à court terme qui respectent les limites de leur mandat.


Une approche similaire a déjà été proposée par des analystes intéressées par la question, mais avec un objectif de fusion de certaines structures et dans ce cas ce serait le Ministères des Affaires Sociales ou de l'Education Nationale qui remporterait le lot:


"Défendre la création du ministère de la Famille, des Enfants et des Droits des Femmes en Haïti (MFEDF), c’est rapatrier et  harmoniser les principales missions et attributions respectives entre le ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST), le ministère à la Condition féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF), sans ignorer les autres ministères en charge de l’éducation et de la formation professionnelle et de la jeunesse et des sports, dans une nouvelle démarche plus moderne et visionnaire, intelligente, pragmatique, efficace et durable." (Dominique Domerçant)


L'annonce de telles réformes trahit une méconnaissance des dossiers, une absence de cohérence gouvernementale et un défaut de chef d'orchestre. Il est crucial de recentrer les objectifs et d’éviter les chevauchements avec d’autres institutions, tout en tenant compte des contraintes politiques et législatives en vigueur. Une approche gouvernementale plus pragmatique et coordonnée pourrait permettre de répondre efficacement aux défis prioritaires sans compromettre les acquis ni la cohérence des institutions existantes.


Edito24

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