La crise de confiance qui secoue les missions diplomatiques haïtiennes à l'étranger est révélatrice d'une culture de corruption profondément ancrée et d'une gestion désastreuse des ressources publiques. De l'argent détourné par des diplomates accrédités en Espagne, au Venezuela, à Cuba et ailleurs, des ambassadeurs rappelés pour faute grave, des dépenses injustifiables, et même l'implication d'un homme d'État : les révélations de ces dernières semaines peignent un tableau alarmant de la corruption au sein du ministère des Affaires étrangères.
Les scandales récents mettent en lumière un niveau de malversation qui va bien au-delà des simples irrégularités. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Jean Généus, et son ancienne cheffe de cabinet, Geneviève Louissaint, sont désormais sous le radar des enquêteurs de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC).
La découverte d'une correspondance ordonnant un transfert financier douteux met en exergue les pratiques peu scrupuleuses qui ont eu cours sous leur gestion. Ce n’est pas un simple cas d’imprudence administrative, mais un symptôme d’un problème plus vaste : un détournement systématique des fonds publics à des fins personnelles.
L’incapacité à justifier les dépenses par certains diplomates, comme l’ambassadeur haïtien au Venezuela, Lesly David, est particulièrement inquiétante. Selon un rapport du Bureau de Contrôle Interne (BCI), David doit rembourser plus de 250 000 dollars américains à l’État haïtien. Malgré une demande en 2023 du ministre Jean Victor Généus pour restituer cette somme, David n’a pas donné suite et continue d'effectuer des dépenses non justifiées. Cette situation n’est pas isolée ; plusieurs autres diplomates se retrouvent dans des situations similaires, ce qui témoigne d’un dysfonctionnement généralisé et d’une absence de contrôle rigoureux.
La nouvelle ministre des Affaires étrangères, Dominique Dupuy, avait promis un assainissement du ministère, et il semble que la purge a commencé. Cependant, pour que cette initiative ait un impact réel, il est crucial que les réformes ne se limitent pas à des actions symboliques. La transparence et la responsabilité de chacun doivent être au cœur de la réforme. Les enquêteurs doivent pouvoir mener leurs investigations sans entrave, et des mesures concrètes doivent être prises pour rétablir la confiance du public dans les institutions diplomatiques. Puisqu'on est en terrain politique, il faut aussi éviter les amalgames. Les accusés aussi doivent avoir l'opportunité de s'expliquer au cas par cas.
Le scandale en cours est un signal d'alarme pour Haïti. La gestion des fonds publics et la représentation diplomatique ne doivent pas être des terrains de jeu pour les malversations et les abus de pouvoir. L’État haïtien doit impérativement réformer ses pratiques et veiller à ce que les responsables de ces abus soient tenus pour compte. La confiance du peuple haïtien dans ses institutions repose sur la capacité de ses dirigeants à adresser ces problèmes avec la rigueur et la transparence nécessaires. La tâche est ardue, mais elle est essentielle pour le rétablissement de la crédibilité et de l’intégrité des affaires diplomatiques haïtiennes.
Edito24
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