La Chronique de Débora…
- Edito 24
- Apr 3
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3 Avril 2025

SOCIÉTÉ ET JUSTICE SOCIALE
Inégalités économiques en Haïti : faut-il repenser le contrat social ?
Depuis Jean-Jacques Rousseau et son concept du "contrat social", les sociétés modernes ont dû composer avec la tension entre liberté individuelle et justice sociale. En Haïti, cette question se pose avec une acuité particulière, tant les inégalités économiques y sont profondes et systémiques. D'un côté, une élite restreinte concentre les richesses et le pouvoir ; de l'autre, une majorité de la population lutte pour sa survie quotidienne. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) estime que plus de 60 % des Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté, tandis qu'une infime fraction accapare les ressources et les opportunités.
Cette répartition inéquitable des richesses et des opportunités n'est pas un simple hasard de l'histoire, mais le produit d'un système économique et politique consolidé par des décennies de gouvernance oligarchique et de clientélisme. Dans ce contexte, le modèle actuel peut-il encore répondre aux attentes de la majorité des citoyens ? La justice sociale peut-elle être rétablie sans une redéfinition en profondeur du pacte sociétal haïtien ?
Cet article analysera d'abord les origines des inégalités économiques en Haïti avant d'examiner les pistes de réformes envisageables pour rebâtir un contrat social plus juste et équitable.
I- Les racines historiques et structurelles des inégalités économiques
Haïti porte l'héritage d'un système inégalitaire issu de son histoire coloniale et postcoloniale.
1- Un passé esclavagiste et colonial : La structure économique haïtienne a été fondée sur une concentration des richesses entre les mains d'une élite privilégiée. Après l'indépendance en 1804, la jeune nation a maintenu un modèle inégalitaire, où une minorité de grands propriétaires terriens exerçait une domination économique sur la majorité des paysans.
2- Un système économique oligarchique : L'économie haïtienne repose sur un modèle extractif, où une petite élite accapare les secteurs les plus lucratifs (import-export, services bancaires, commerce). Les investissements productifs et industriels, qui pourraient favoriser la redistribution des richesses, restent marginaux.
3- Un État faible et capturé par les élites : L'absence d'un système fiscal efficace et la corruption généralisée ont conduit à un désengagement de l'État en matière de protection sociale et de services publics (santé, éducation, infrastructures).
II- Les conséquences des inégalités sur la société haïtienne
Les inégalités économiques ne sont pas seulement une question de justice sociale ; elles ont des effets profonds sur la stabilité du pays.
1- Un frein au développement économique : La concentration des richesses limite la capacité de consommation et d'investissement de la majorité de la population, restreignant ainsi la croissance économique.
2- Une fragilisation de la cohésion sociale : L'écart croissant entre riches et pauvres alimente un sentiment d'injustice et de frustration, exacerbé par l'absence d'ascension sociale possible.
3- L'instabilité politique et l'explosion des violences : L'économie de survie et le manque de perspectives nourrissent l'insécurité et la délinquance, tout en fragilisant les institutions démocratiques.
III- Quelles solutions pour un contrat social plus équitable ?
Repenser le contrat social en Haïti implique des réformes structurelles ambitieuses :
1- Une fiscalité plus juste : Instaurer un système fiscal progressif permettrait de financer les services publics essentiels et de réduire les inégalités.
2- Une politique de développement inclusif : Favoriser les investissements dans l'agriculture, les infrastructures et l'éducation offrirait des opportunités économiques aux plus démunis.
3- Une gouvernance transparente et participative: L'implication des citoyens dans la prise de décision permettrait de restaurer la confiance dans les institutions et de renforcer la stabilité sociale.
En somme, les inégalités économiques en Haïti ne sont pas une fatalité, mais le résultat d'un système économique et politique qui n'a jamais été repensé en profondeur. Pour assurer un avenir plus équitable, il est urgent de redéfinir le contrat social en plaçant la justice économique au cœur des politiques publiques. Comme le rappelait Rousseau, "l'homme est né libre, et partout il est dans les chaînes".
Je dois vous rappeler qu'en Haïti, la réflexion sur ces chaînes et la volonté de les briser doivent constituer la première étape vers un changement durable.
Débora LUBIN
Chrétienne, citoyenne engagée
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