Le 30 juillet 2024, la Ministre des Affaires Étrangères du gouvernement de facto, Dominique Dupuy, a suscité une vague de réactions en annonçant la présentation du dossier de la dette de l’indépendance à la 47e réunion ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CARICOM. Ce dossier, comprenant les questions de réparations et de restitutions liées à l'esclavage et à l’indépendance d’Haïti, a été porté à l'attention des dirigeants régionaux alors qu’Haïti traverse une période de grande instabilité politique.
Dominique Dupuy, en tant que Chancelière, a annoncé que le pays rejoindrait la Commission des réparations de la CARICOM, avec un Groupe de travail siégeant en tant que Comité national haïtien. Cette décision, bien que symboliquement forte et politiquement ambitieuse, est préoccupante sur plusieurs niveaux. En effet, la démarche de Dupuy est-elle appropriée dans le cadre d'un gouvernement provisoire, sans chef d'État élu et sans parlement en fonction ?
L’engagement de Dominique Dupuy dans un dossier aussi sensible que celui des réparations pour la dette de l’indépendance dépasse les limites d'un gouvernement provisoire. Ce dernier, par nature, est censé assurer l'intérim et préparer le terrain pour des élections libres et transparentes. Il n'a ni le mandat ni la légitimité pour prendre des mesures aussi faramineuses et potentiellement controversées sur la scène internationale.
L'intervention de Dupuy dans ce dossier critique pourrait être perçue comme une tentative de laisser une empreinte durable, mais elle soulève de sérieuses questions sur la légitimité et l'efficacité de ses actions. Dans un contexte où le pays est plongé dans une crise politique et économique, avec un gouvernement qui n’a pas reçu de mandat populaire direct, s’attaquer à une affaire aussi complexe et émotionnellement chargée pourrait compromettre les intérêts nationaux.
Le groupe de travail, composé de personnalités académiques et internationales, est certes respectable et bien intentionné. Cependant, la précipitation avec laquelle ce dossier est présenté pourrait être interprétée comme un geste opportuniste plutôt qu'un acte de véritable diplomatie. La question se pose : est-ce le bon moment pour Haïti de se lancer dans une telle démarche alors qu'un gouvernement de transition est en place et que le pays est confronté à des défis internes majeurs ?
Il est essentiel pour un gouvernement en place, surtout lorsqu'il est provisoire, de se concentrer sur les affaires courantes et sur la préparation des élections qui permettront de restaurer une gouvernance stable et légitime. La gestion des questions de réparations, bien qu'importante, devrait être laissée aux dirigeants élus et aux institutions politiques en place une fois une stabilité politique retrouvée.
La décision de Dominique Dupuy d’aborder ce dossier est audacieuse, mais elle pourrait également être perçue comme un excès de pouvoir et une utilisation de l’autorité de manière inappropriée. Il est crucial pour Haïti que les actions diplomatiques soient menées avec une pleine légitimité et en phase avec les réalités politiques du moment. L’exécutif provisoire doit rester concentré sur ses priorités immédiates et éviter de s'engager dans des initiatives qui pourraient s’avérer problématiques ou divisives à long terme.
La prudence et la responsabilité sont de mise pour garantir que les actions entreprises soient en harmonie avec les intérêts véritables du pays et qu’elles ne portent pas préjudice à ses perspectives futures. Haïti mérite une gestion politique qui reflète non seulement les aspirations de son peuple mais aussi le respect des normes de gouvernance appropriées.
Edito24
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