En juin, les Kényans sont descendus dans les rues pour s’opposer aux propositions du gouvernement visant à augmenter les taxes. Ce faisant, ils ont exprimé leur profonde déception envers le président William Ruto, qui avait accédé au pouvoir il y a deux ans à la suite d’une victoire électorale serrée. Ruto avait promis de réduire le coût de la vie et d’augmenter les opportunités d’emploi pour les jeunes Kényans. Au lieu de cela, les Kényans ont vu qu’il se tournait vers l’extérieur, se positionnant comme médiateur dans les conflits régionaux, prononçant des discours importants lors de forums internationaux, et s’alliant avec les États-Unis.
L’administration du président américain Joe Biden a également montré son soutien à Ruto en l’invitant pour une rare visite d’État en mai. Les officiels américains et kényans ont souligné que Ruto était le premier leader africain à recevoir un tel accueil depuis le président ghanéen John Kufuor en 2008, et le premier leader kényan à effectuer une visite d’État à Washington depuis plus de deux décennies. Le gouvernement américain a annoncé qu’il désignerait le Kenya comme le premier allié majeur non-OTAN des États-Unis en Afrique subsaharienne, une désignation qui le place aux côtés de pays comme l’Australie et le Japon. Pourtant, un mois seulement après, des images de fumée se sont élevées du parlement kényan alors que des manifestations populaires contre le gouvernement devenaient violentes. Plus de 30 personnes ont été tuées, souvent par la police, ce qui a choqué l’ambassade américaine et d’autres missions diplomatiques, les incitant à appeler à la retenue.
Cette révolte — et la réponse autoritaire chaotique et vouée à l’échec du gouvernement kényan — devrait inciter les responsables américains à changer de tactique. Les manifestations contre un dirigeant soutenu de manière si prominente par Washington ont déjà entraîné la mort de plus de 50 personnes et des centaines de blessés, posant clairement un dilemme pour les États-Unis. Washington a désormais deux options : se retirer, confirmant ainsi l’opinion des critiques qui ont qualifié les récents efforts américains pour établir un partenariat avec Ruto de superficiels et mal informés. Ou bien renforcer son soutien pour aider le gouvernement kényan à répondre aux demandes de ses citoyens. Il doit choisir cette dernière voie.
La relation entre les États-Unis et le Kenya a une histoire longue et profonde, et alors que la Corne de l’Afrique devient de plus en plus instable et que les institutions internationales montrent des signes croissants de dysfonctionnement, le Kenya pourrait se révéler être un partenaire vital pour les États-Unis afin d’éviter les pires scénarios et de contribuer à réformer l’architecture institutionnelle de la région. Mais Washington doit agir pour apporter un véritable soulagement économique au pays, conditionné par des critères de lutte contre la corruption et de respect des droits humains, afin de montrer que les États-Unis prennent le Kenya au sérieux, et ne sont pas simplement fascinés par Ruto.
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